Samedi 18 janvier, je quitte le Cambodge en y laissant mes empreintes digitales numérisées… Que je n’avais pas données à l’entrée…
Et entre en Thaïlande pour la 3ème fois en trois mois ! Eh oui, la Thai rayonne et est un pays central en Asie du Sud-est. Rien que pour le plaisir, j’y retournerai encore en mars ! Na !
Mon mental me fait tenir. J’ai à nouveau des sueurs, je suis épuisée (surtout que je me tape deux fois la côte, car on repart faire des courses en bas). Je m’encourage, mais je lutte. J’ai froid, je suis épuisée, je reprends un paracétamol. Je regarde ce bas côté où j’aimerais m’arrêter pour la nuit, mais il n’est pas question que je demande à m’arrêter. C’est François qui s’arrête, explore le site et me dit qu’il a trouvé le lieu pour planter la tente. Il faut descendre pour atteindre la mer en contre bas. Je suis soulagée de m’arrêter et découvre cet espace privé (il y a un portail usé au bord de la route, loin, là-haut) au bord de l’eau avec le coucher de soleil et les trainées rosâtres qui égaient ce ciel de fin de journée longue et difficile.
Coucher de soleil sur la mer, entrée en Thaïlande
Toujours et inlassablement, le feu de camp
Le reste de l’article sera défendu de lecture aux âmes sensibles.
À vos risques et périls ! Quitte à raconter sa vie et son voyage sur internet, autant aller jusqu’au bout. Vous allez rentrer dans l’intimité de ma santé physique… et mentale !
J’ai un regain d’énergie fugace, le temps de faire le feu, qui me procure toujours autant de plaisir, particulièrement face à la mer, et particulièrement en camping. Avant de retomber dans le mal qui me tient. Je décide de traiter, partiellement du moins, cet abcès qui commence à enflammer tout le haut de mon bras. Je sors mon aiguille, je la brûle au briquet, je pique dans le trou et fais sortir le pus tant que je peux pour me soulager. C’est un acte particulièrement douloureux, mais, ce soir-là, je n’ai pas d’autre option que de me soigner seule. Enfin, François m’aide à faire sortir le pus. Dans ces moments-là, je pense à ce navigateur qui s’est recousu tout seul la langue, je me dis qu’il a eu bien du courage ! Ou je pense à ma collègue des urgences qui s’était fait ses points de suture toute seule sans anesthésie. Ça me donne du courage. Je tartine la pauvre pommade antibiotique que j’ai achetée et essaie tant bien que mal de suivre le film sur l’ordinateur…
François décide que j’irai à l’hôpital le lendemain.
Le réveil face à la mer
Toute la nuit, je souffre de la fièvre et de mon bras. Je n’arrive pas vraiment à dormir. Le matin, je craque, le marteau piqueur repart de plus belle, le doliprane ne fait plus rien, je n’ai plus d’ibuprofène. Je me résous à prendre un comprimé de Lamaline pour tenir au moins jusqu’à l’hôpital. Quelle bonne idée j’ai eue ! François fait du stop, arrête un pick-up : le chauffeur, au mot hôpital et en voyant ma tête nous embarque direct pour Trat. Nous pensions que c’était à 30 km, en fait, nous sommes à plus de 75 km de la ville.
Je vous présente ma piqûre de... je ne sais pas quoi, devant la mer!
Une heure plus tard, les Cambodgiens nous déposent au pied de l’hôpital. J’ai le souvenir d’être passée devant ledit hôpital lorsque j’étais rentrée de Koh Chang, il y a un siècle, dans une autre vie ou un autre voyage, il y a un mois et demi !!! Mais je ne reconnais pas la belle entrée moderne que j’avais vue. Tant pis, je ne peux plus attendre, le médicament ne fait plus effet, la douleur repart. Il me faut une mise à plat et un nettoyage de cet abcès, des antalgiques forts et des antipyrétiques et une antibiothérapie à large spectre. Je m’inscris et attends de passer avec une infirmière. Je lui montre mon bras, qu’elle montre immédiatement au médecin qui m’hospitalise immédiatement et le chirurgien m’opérera dans la foulée.
Transport local, en faisant du stop
Comme le temps parait interminable lorsque des bombes explosent dans votre cerveau, que la pression dans l’abcès est tellement forte que le pus s’écoule tout seul comme un grand et que la fièvre vous secoue de grands tremblements ! On me fait d’abord faire une radio de thorax, puis on me monte dans la salle commune. Car je découvre que je suis à l’hôpital gouvernemental.
Salle d'accueil des urgences
Une salle de 32 lits divisée en 4 secteurs de 8 lits. De vieux lits métalliques pouvant être séparés par des rideaux de douche. Je suis au 2ème étage, dans la salle des femmes. Au fond, il y a 2 WC et 4 douches à eau froide, ainsi que 3 lavabos. Il y a un distributeur d’eau potable. Le matin, à 5H30, la femme de ménage ouvre la porte qui donne sur le balcon et l’après-midi, on allume les grands ventilateurs au plafond. Chaque malade est accompagné d’un membre de sa famille, une fille, un fils, un mari, qui reste jour et nuit auprès de la personne hospitalisée. Tradition, obligation, nécessité, que sais-je, c’est ainsi. L’aide soignant familial a ceci qu’il est doux, qu’il prodigue des soins personnalisés et attentionnés. Ici, tout le monde s’entre aide. L’époux de la femme brûlée au 3ème degré viendra souvent me remplir mon verre d’eau ou redresser mon dossier, la petite jeune qui accompagne sa maman squelettique m’aidera à porter ma perfusion pour aller aux toilettes ou remonter ma couverture, la jeune femme qui s’occupe de sa mère âgée passera du temps à m’appliquer un gant d’eau froide pour refroidir mon corps brûlant et traduire en Thai mes demandes. Tous ces gens dorment par terre sur une natte, pendant une ou deux ou trois nuits… Les rideaux de douche ne sont quasiment jamais fermés, seulement quelques minutes pour faire une toilette. On dort tous ensemble.
Secteur de la radio, n'ai jamais compris pourquoi j'ai fait une radio de thorax...
Lorsque j’arrive, mon cerveau n’est plus capable de réfléchir correctement. L’infirmière me demande si je veux une chambre VIP, mais je veux juste un antalgique ! Langage de sourd. On me met dans la salle commune, car on pense que peut-être, je ne pourrais pas payer la chambre VIP. François ayant pris les choses en main va contacter l’assurance, prévenir ma mère, mettre mes bagages en sécurité et régler les problèmes administratifs avec l’hôpital.
On me pose une perfusion, j’attends le chir, je vais passer au bloc. Je leur dis que je suis allergique à la pénicilline et François me prévient que les infirmières vont me mettre un Augmentin ! Du peu d’énergie qui me reste, je refuse, je répète. Elles rappellent le docteur et changent de traitement. Elles finissent d’user mes nerfs en me répétant toutes, au moins une dizaine de fois, que je n’ai pas l’air française, et que je ne dois surement pas être française parce que je n’ai pas la tête d’une Française, mais d’une Asiatique.
Je supplie pour avoir maintenant un antalgique. Et on me dit, il faut rester à jeun pour le bloc. Oui, mais moi, j’ai mal, « pain, pain, very painful » Et elles me répètent, langage de sourd : « no eat, no eat before surgery » Et, là, Ô gouffre ! Ô déception ! Ô douleur ! Je comprends, je réalise qu’ici, il n’y a pas de médicament contre la douleur ou la fièvre à passer en perfusion. Je suis arrivée dans le lieu où je pensais être soulagée et là angoisse, on ne peut rien pour moi avant le bloc !
- Et le bloc ! Il arrive quand ?
- Quand le chirurgien sera passé vous voir.
- Et le chirurgien, il vient quand ?
- Bientôt, mais il faut qu’on l’appelle !
Mais appelle bordel !!!
Finalement, le chirurgien passe relativement rapidement au bout d’une heure et me prend au bloc une heure plus tard sous AG.
Préparation au bloc : je peux dire que je connais, un peu, les procédures pré op, oui, peut-être que je pourrais en oublier, mais là… On me demande de me couper les ongles pour aller au bloc. Et… C’est tout ! J’entre donc au bloc sans douche. Je ne parle même pas d’un truc avec tout plein de bétadine, non, juste une petite douche, histoire de dire qu’on enlève un peu la crasse avant de se faire ouvrir… Ça fait quand même 3 jours que j’ai pas pris de douche et que je dors dehors !
Après le bloc, lit n° 3 dans la salle commune
Retour du bloc, je suis dans le coltard, ici la salle de réveil se compose de 32 lits et d’une porte ouverte sur la rue. Mais je suis soulagée. On me donne un ibuprofène 200 mg en post op. Seulement 2h plus tard, la fièvre monte à 43° ! L’infirmière me montre le thermomètre, je crois que je n’ai jamais vu ça, même en infectieux, même en réa… Enfin, dans les hôpitaux où j’ai travaillé, on utilise du paracétamol en perfusion, ça aide à faire baisser la température ! Ou en tout cas à ne pas atteindre des scores pareils !
Ma douleur est soulagée la première nuit par deux bolus de morphine. La réfection du pansement, bien qu’extrêmement douloureuse me semble un moindre mal comparée aux pics de fièvre qui pulsent dans mon crâne. Je m’attends à ce que le premier pansement soit réalisé par le chirurgien, naïve que je suis ! En fait, c’est une infirmière qui le fait consciencieusement, mais pas vraiment doucement sous les regards de mes voisins. Il y a de l’animation et du passage toute la journée, je ne m’ennuie pas, d’autant plus que je dors dès que je le peux. Mais la 2ème nuit est insupportable, le pauvre doliprane ne vient pas à bout des 40 de fièvre et j’endure toute la nuit (comme la petite chèvre, maman !), et au petit matin, je craque et demande à faire appeler François pour changer d’hôpital !
Heureusement, François à la rescousse s’occupe de tout et l’assurance MAIF pour les citer fait un travail efficace et rapide. En trois heures, je suis transférée dans une ambulance rutilante dans l’autre hôpital, celui où je pensais aller au début… Bangkok Trat hospital : réception, guichet, et le chirurgien qui, prévenu m’attend comme une VIP à l’entrée des urgences accompagnée d’une escorte de 5 infirmières rien que pour moi. J’ai l’impression de passer du caniveau à l’hôtel 5 étoiles en 10 minutes. Le chirurgien refait mon pansement avec ses doigts de fée qui me font juste serrer les dents et m'envoie immédiatement faire vérifier l'oedème de mon bras par une échographie.
Autre milieu, autres moeurs et autre repas
Je suis admise au 6ème étage dans mon studio de 25 m2 avec climatisation, WIFI, télévision, réfrigérateur, balcon, table à manger, bouilloire, verres d’eau et set de cuisine pour deux personnes, armoire IKEA, canapé, femme de ménage 2 fois par jour, choix entre 25 menus différents avec entrée, plat, accompagnement et coca; dans la salle de bain, eau chaude, shampooing, gel douche, lait corporel, bonnet de douche, brosse à dents, comme à l’hôtel. Lorsque j’appuie à la sonnette pour demander de l’aide, une voix me répond à un interphone et je demande ce que je veux.
Au choix entre 25 menus différents
J’augmente de gamme de service, mais j’augmente aussi de gamme d’antalgique et j’ai droit à ma double antibiothérapie comme je le pensais.
Y a plus qu’à.
Attendre.
La vue du balcon, sur la mosquée
En quelques jours, la fièvre finit par disparaître, la douleur par partir, l’œdème par se résorber et le moral toujours au beau fixe.
Une chambre d'hôpital, je vous dis!
Moi qui aime l’aventure, je peux dire que j’ai vécu une expérience exceptionnelle. Je ne regrette pas du tout mon passage dans l’hôpital public où j’ai été bien opérée, car j’ai eu une occasion unique de voir le système hospitalier thaïlandais de l’intérieur, et c’est le genre de situation que j’adore vivre. Certes, je ne retenterais pas une autre fois, et j’espère bien ne pas visiter d’autres hôpitaux, tout au moins en tant que malade, d’ici la fin de mon voyage ! Il n’empêche, j’ai vu aussi tout ce lien et cette entre aide qui est perdue chez nous. Ça fait chaud au cœur.
D’ici peu, je m’apprête à sortir de ma bulle hospitalière de luxe et retrouver la vraie vie.
Que toutes les âmes bien intentionnées à mon égard se rassurent : il est prévu repos et fin des pansements tranquillement durant quelques jours à quelques semaines selon l’évolution de l’état de mon bras avant de reprendre la route et le vélo !
Eh oui, François est reparti, je l’ai mis dehors, car il était inutile qu’il tourne en rond dans l’hôpital alors que je suis très bien prise en charge et que mon état s’est vraiment amélioré. Quoiqu’il en soit, je le remercie énormément pour son soutien et sa réactivité pendant les premiers jours de mon hospitalisation. Mais le voyage n’est pas fini ! Ça fait partie du voyage !
Nous avons rendez-vous quelque part au bout du monde, comme d’hab !