S’il est une expérience qui a enrichi mon voyage pendant 14 mois, c’est celle de la cohabitation. Jamais je n’ai été aussi proche de certaines personnes alors que je ne les connaissais que peu voire pas du tout. On dit que la vie de couple est compliquée, qu’il n’est pas facile au fil des années de vivre ensemble. Ca ne l’est pas moins de rester toute la journée avec un être étranger, qu’il soit pour vous une sœur, un ami, un simple inconnu. C’est fascinant et j’adore être l’objet de ma propre expérimentation.
Ainsi, ma route fût embellie par la présence souvent intense de ces êtres devenus proches par le fait même du voyage. Quelle intensité ! La proximité rend intime avec n’importe qui. Ainsi, on se dévoile au fil du chemin, on devient complice sans s’en rendre compte. Une vie de couple le temps de la route, voilà ce que l’on vit. Un lien fugace, fort. Trop fort peut-être.
J’ai partagé la route, la nourriture et le lit avec plus d’une quinzaine de personnes. Des femmes et des hommes qui sont devenus mes compagnons de deux jours à trois semaines. L’altérité vous fait face et vous conjuguez avec, parce qu’elle enrichit votre personne. Parce que la beauté de certaines vous rend plus lumineux. Parce que la force de certains vous donne une puissance jusque-là méconnue.
Considérez la femme ou l’homme qui est à vos côtés comme votre sœur, votre frère, votre meilleur ami, votre père ou votre mère, votre lien au monde, votre unique recours, votre élément socialisant. Alors, même pour quelques jours passés ensemble, vous n’aurez que le meilleur de la relation. Ce n’est pas toujours évident, loin de là, mais c’est une incroyable expérience.
J’ai dormi avec sept hommes différents dans six pays différents dans la simplicité de l’itinérance. Celui qui se meut chaque jour sans destination précise, à la force du hasard, ne se soucie guère de savoir avec qui il dort, du moment qu’il peut se reposer à la nuit tombée. Jamais d’inquiétude, jamais de doute, beaucoup de confiance et d’intuition.
Le goût des choses simples prend une autre saveur lorsqu’on le partage. Dormir avec ces femmes qui m’ont rejointes ou que j’ai rencontrées en chemin fut l’occasion de confidences et d’échanges dans le secret de la nuit. Un moment pour s’entendre entre femmes, entre amies.
Quelque part, mon voyage m’a offert en cadeau cette redécouverte de la relation à l’autre. Et particulièrement de la relation homme-femme. J’ai aimé pouvoir en toute authenticité faire la route avec ces hommes que le destin m’a offert de rencontrer. Certains penseront sans doute que c’est de la naïveté ou de l’inconscience. La naïveté consisterait à ne pas envisager que partager le lit avec un homme puisse conduire à autre chose que dormir et de s’en laisser surprendre. L’inconscience serait de savoir que l’homme en question à une autre idée en tête que celle de dormir et de vouloir s’allonger à côté de lui malgré tout.
C’est simple. J’aimerais que cette simplicité perdure et que j’ai encore l’occasion de rencontrer de si belles personnes.